
WORLD TOUR 2014
Ce qu’en a pensé Émilie :
Nous sommes une bande d'allumés qui depuis des années, fréquentons les concerts de Rock au sens large, et il nous est venu, sur le tard, l'envie de vous les faire partager avec nos émotions, des Setlists... dans un blog "pas comme les autres".


Ce qu’en a pensé Émilie :
« Troisième et dernier jour de Rock en Seine 2014, seule cette fois comme pour le vendredi. J’arrive sur le site vers 17h15, but avoué : gérer le premier rang de la scène Pression pour Thurston Moore. Guillaume a tenté de m’en dissuader, me disant que ça serait sympa de voir un peu Brody Dalle. Je n’ai guère hésité, tant pis si Josh Homme se montre (il s’est finalement contenté d’une apparition backstage), tant pis si j’aime bien la musique de l’Australienne, Thurston c’est Dieu, et Dieu passe avant tout le monde. Me voilà donc devant la scène Pression, et la fin de set pêchue de Fat White Family. Je n’en ai guère profité, c’est bondé de monde. Dans ma tête, je me voyais déjà entourée de fans de Sonic Youth plus dévoués que moi et arrivés depuis le début de l’après-midi. Inutile de vous préciser que l’humeur n’était pas à la joie, tellement je n’imaginais pas ce concert autrement qu’au premier rang plein centre depuis qu’il était annoncé (et ce, même si je vois Thurston pour la 7ème fois ce soir). J’étais même décidée à faire l’impasse sur QOTSA si clash il y avait eu. La mort dans l’âme, mais ma décision était prise. Heureusement, la répartition ne m’a pas obligée à en arriver à de telles extrémités !
Rapidement, mes doutes se dissipent, la foule quitte peu à peu la scène Pression, et je me place sur la barrière au centre sans aucune difficulté (à ce moment-là, on n’était même pas dix sur ladite barrière !). Batterie estampillée Sonic Youth, place parfaite, il ne m’en aurait pas fallu plus pour être heureuse, pourtant je vais avoir bien davantage. Lorsque les premiers bruits du soundcheck se font entendre, je me tourne vers la scène. Ne serait-ce pas James Sedwards, le guitariste du Thurston Moore Band ? Mais ne serait-ce pas Steve Shelley, le mythique batteur des New-Yorkais, avec qui j’avais conversé à la sortie des studios de Canal + ? (Tiens, j’en profite, cinq ans après, pour remercier Marjorie une énième fois pour ce concert d’anthologie). À peine le temps de me remettre, Thurston, avec sa nonchalance habituelle, traverse la scène avec sa valise. Je frôle la crise cardiaque. La bassiste Debbie Googe (My Bloody Valentine) est là également, et le groupe effectue son soundcheck lui-même, le plus naturellement du monde. On doit être une trentaine à tout casser devant la scène Pression ; la majorité des gens, assis dans l’herbe, n’ayant même pas conscience de ce qui se passe. Et moi je suis là, pile en face de la batterie, avec mon tee-shirt Bad Moon Rising et mon sourire niais. Ce n’est pas la première fois que Thurston me fait un coup de ce genre (cf ma review de Chelsea Light Moving aux Instants Chavirés) mais je ne m’y ferai probablement jamais. Je me retiens d’applaudir au moindre riff et tente de feindre le détachement (échec total sur ce point, je sens mes joues devenir écarlates). Thurston se lance dans le riff d’Ono Soul ; à présent, le public commence à réagir. Et le groupe de jouer la chanson entière ! Je n’en reviens toujours pas. C’était énorme ! Peu de temps après, Thurston, réalisant qu’il reste une demi-heure avant le show proprement dit, nous remercie et quitte la scène après un dernier geste de la main envers nous. Je ne sais pas pour les autres personnes présentes, mais moi, je me sentais définitivement privilégiée, j’avais l’impression d’avoir récupéré un pass VIP. 
À côté de ce grand moment, le concert aurait pu paraître fade et impersonnel, avec la foule à présent massée derrière moi. Il n’en fut rien, ce fut un très bon concert, quoique majoritairement basé sur l’album qui sortira en octobre, The Best Day. En dehors du single du même nom, de Detonation qui avait été révélée plus tôt, et de Germs Burn que Thurston dédiera à Darby Crash, chanteur de The Germs, je ne connais donc rien ce soir de la setlist (sauf erreur de ma part, car je dois avouer que je ne maîtrise pas toute la discographie solo du monsieur). Après deux concerts solos et un de Chelsea Light Moving, loin de moi l’idée d’espérer du Sonic Youth, même avec le retour de Steve à la batterie, mais quelques morceaux de l’excellent album de CLM auraient été bienvenus. Mais qu’importe, le concert envoie du lourd, rappelle parfois la Jeunesse Sonique, et ne fait jamais dans l’acoustique, contrairement à ce que la version studio de The Best Day aurait pu laisser supposer (même si ça ne m’aurait pas dérangée). Quel plaisir de voir James, Debbie et Thurston triturer leur instrument contre l’ampli, dos à la scène ! Je n’étais pas familière de l’œuvre des deux premiers (le public d’ailleurs ne connaissait même pas leurs noms) mais ils avaient définitivement leur place aux côtés du Maître. Debbie, ayant apparemment repéré un fan dans la foule, lui a envoyé un baiser. Sous son air débonnaire, Steve cache toujours la même frappe, à la fois puissante et métronomique, qui a fait sa réputation. Peu importe que l’on ne connaisse guère les morceaux, qui s’étirent souvent d’ailleurs en expérimentations d’une dizaine de minutes, on ne peut que headbanguer sur de telles déflagrations soniques. Quelques pogos naissent même derrière moi. « Thurston, king of the world ! » hurle un gars à plusieurs reprises. Le concert est malheureusement très court (et encore, je crois que le quatuor a un peu débordé du créneau de 45 minutes qui lui était alloué) et il n’y aura pas de rappel, malgré les « Thuuuuurrrsssttooonnnn » insistants du public. Lorsque les membres du groupe reviendront, ce sera pour démonter le matériel. Thurston repartira assez rapidement, mais James restera à tritures ses pédales, et nous remerciera des derniers applaudissements que nous lui octroyons. Un roadie m’a lancé un médiator, mais malheureusement, celui-ci est tombé entre la scène et la barrière, et comme un autre gars l’a repéré, je l’ai laissé demander à un vigile de le lui donner. Ono Soul suffisait largement à mon bonheur, de toute façon.
D’emblée, le concert me plaît, même si je ne comprends bien sûr rien aux textes, apparemment politiquement engagés. Tinariwen, c’est un collectif de musiciens, ce ne sont pas les mêmes sur chaque tournée. Ce soir en tout cas, il y a du niveau, particulièrement à la guitare, qui m’évoquera Mark Knopfler. Le chant, en particulier, est dépaysant. Et même si je me retrouve une fois encore entourée de quelques petits cons irrespectueux, étant assez loin près de la console son, je me mets rapidement à bouger sur ces rythmes arabisants qu’on adore aussitôt. Le son est très bon, il me paraît même bas, mais je pense que le fait d’avoir voulu aller crâner devant Thurston sans bouchons n’y était pas étranger (peut-être pas mon initiative la plus intelligente du week-end, vu comment mon oreille gauche m’a fait souffrir pendant un ou deux morceaux de QOTSA). Je ne m’ennuierai pas une seule seconde pendant la prestation du sextet, ceci alors que je ne connaissais aucun morceau. J’ai donc dansé, tapé dans mes mains. Ri un peu aussi, car de l’endroit où j’étais, je voyais tous les mecs qui allaient pisser sur la palissade en haut, et ça n’arrêtait pas, il y en avait toujours au moins deux ou trois. Malgré cette distraction, je suis restée à fond dans ce concert que j’aurais aimé voir programmé de nuit : on aurait pu se croire dans le désert. Excellent concert donc, que je recommande à tous ceux qui chercheraient à voir un groupe original, sortant des sentiers battus.
photos de robert gil
